La famille Itsagal

Alors, il fallait s'y attendre. Hier, Marin m'a annoncé la nouvelle: il s'est endormi au travail et a été rétrogradé. Je savais aussi bien que lui ce que ça signifiait: au moment où on en a le plus besoin, son salaire diminue de moitié. Je crains pour nos vies... Parce moi aussi, je suis toujours fatiguée, je ne mange pas à ma faim, j'ai mal au dos, je me sens seule. J'espère qu'Inkgirl va finir par avoir pitié de notre situation et arrêter le challenge... Parce que je sais qu'une fois qu'elle nous aura rendu notre liberté, on aura une grande maison avec plein de fenêtre, du parquet ciré et plus jamais mal au dos... Je vais rendre mon tablier.

Mais je ne connaissais pas encore le pire. Marin est surmené. Je le sais depuis le soir où il s'est évanoui sur le trottoir, en sortant du taxi.

La nounou aussi, elle craque. Elle a les clés de la maison; du coup, elle est venue à une heure du matin, est entrée comme si de rien n'était, a allumé la télé Puis elle a sorti la gelée du frigo et s'est mise à en mettre un part sur toute les tables de la maison: la table de la cuisine, la table basse, le bureau, la petite table d'Aphrodite... Comme elle était fatiguée, elle a fini par poser le plat par terre. Je suis restée là pendant un bon moment, je ne tiltais pas -trop ahurie. Finalement, Marin l'a assomée avec une poêle, a contacté Les Mimosas (la maison de retraite de Simcity) et a appellé l'agence de gardes d'enfants, qui nous a promis, avec un long, long soupir, de nous envoyer une nounou en état de marche très prochainement.

Et si il n'y avait que ça! A peine remise de mon immonde maladie (c'est gentil de m'avoir envoyé des fleurs, mais pour les cartes de condoléances, c'était un peu prématuré peut-être, enfin merci quand même...), et que ça saute de partout, les plomberies, la poubelle (trois bombes d'insecticide pour jarreter les cafards), les câbles électriques, des étincelles un peu partout, un incendie... Je craque!!

Vous vous posez une question, et je sais laquelle: pourquoi si peu de mises à jour en tant de temps? Eh bien, je ne suis tout simplement pas en état d'être photographiée. Comme quoi mentir n'attire que des ennuis: la gastro que j'ai fait gober à la secrétaire du boulot, je l'ai réellement attrapée. Je dors par tranches de dix minutes, et je fais des aller-retours réguliers vers les toilettes pour vomir mes repas. Inkgirl ne peut pas et prendre des photos, et servir de garde-malade, et s'occuper de mon mari et de ma fille, ou devrais-je dire de mon veuf et de mon orpheline...En plus c'est vrai, Inkgirl a dit que si je bougeais trop, j'allais finir par mourir dans d'atroces souffrances. Je n'ai jamais vu Inkgirl si attachée à moi... *Pauvre martyre, va.* Vous voyez, elle recommence! Tu veux me tuer, ou quoi?! Oui, je sais...J'aurais dû m'en méfier, de ce plat de macaronis. Mais je n'étais pas obligée de savoir que la fumée verte ne venait pas de la sauce, après tout.

Marin et moi, en voyant Aphrodite, on s'est dit qu'il fallait fêter notre succès collectif, et puis que ce n'était pas juste de ne pas faire profiter d'autres enfants de notre génie... D'ailleurs, Inkgirl a dit qu'elle espérait pour notre santé que tout allait toujours bien dans notre couple. On a vérifié: tout va toujours très, très bien.

Etape n°4: la dernièreuh! Marin prépare le dîner. Pendant ce temps, je prépare le terrain pour ma dernière mission éducative, et non des moindres: la parole. Je prépare le terrain, donc au sens propre: je m'assoit sur l'herbe du salon. Aphrodite, comprenant l'aspect solennel du moment, s'empresse de m'imiter. Et là, je lui explique brièvement la situation:
- Papa.
- Blll.
Bon, OK, c'est pas gagné... Je ne m'avoue pas vaincue. Ma fille donnera le nom de son géniteur, un point, c'est tout!  Après un quart d'heure de tergiversations sur les deux syllabes, on en arrive aux structures complexes...
- Nou-nours.
- Pa-pa.
- Nou-nours-euh!
- Nousseuh!
- *soupir* Nou-nours...
- Nou-nouss?
- Ah, quand même, on y arrive, ça commence à venir!
- ...?
Et enfin, après une heure de nou-nours, la-pin, pa-pa, a-vi-on, i-gloo, la question subsidiaire.
- Ma-man!
- Maman. Ca va, on a compris, je peux aller jouer maintenant?
Oui, définitivement, ma fille sait parler simlish. En trois heures, Aphrodite a appris à marcher, à faire sur le pot et à parler; promis, demain, je lui apprend les claquettes.

Etape n°3: rattraper le coup de la marche et passer à l'apprentissage du...ah, pas de bol, c'est l'apprentissage du pot. Tant pis! Je m'attelle donc à la tâche: remplir le popo. Est-ce mon talent de pédagogue ou l'effet des lucioles? Toujours est-il qu'une heure plus tard, mademoiselle la sprinteuse me promet-jure dans sa langue de ne plus faire pipi-culotte ("Agahblleuhgg"). Hourrah! A mort les couches; vive les culottes en coton!

Etape n°2: ressortir la check-list d'Inkgirl, me sentir découragée en apprennant ma mission du jour parce que je déteste le running,  me sentir patraqe, entendre Marin hurler à la mort parce que le frigo est vide. Ca tombe bien, je vais faire des courses chéri, en attendant, apprend à marcher à ta fille! Je pars donc, mon cabas sous le bras, le coeur plein de remords d'avoir laissé le sale boulot à Marin. Parce que c'est vrai, ça doit être de la même envergure que de soulever une montagne, faire faire ses premiers pas à un bambin. J'imagine sa mine désappointée lorsque je rentrerai, dans une heure, et qu'Aphrodite n'aura pas bougé d'un centimètre sur ses petites pattes. Qu'à cela ne tienne, je vais au supermarché...Surgelés et papier toilette me font valser et tourner la tête...Je prend le chemin du retour...Je suis sur le seuil...Je tourne la clef dans la serrure...J'ai la main sur la poignée...Je m'attend à des larmes, des supplications, des cheveux arrachés. J'ouvre la porte et... qwaaa?!
- Ah, bah heureusement que tu arrives! La mettre debout, c'était facile...mais la rasseoir! Ca fait une demi-heure qu'elle galope et que j'essaie de la tenir à distance des prises et des chambranles de portes! A trois, on l'intercepte et on la met dans le berceau, OK?
D'un coup, je me suis sentie toute bête; en fait, c'était plus facile que d'aller au supermarché.

Je ne m'étais pas trompée: ma progéniture est un génie! Bon, c'est vrai, au début, j'étais réticente à l'idée de suivre la recette de mère-grand et de mettre des lucioles pilées et des piles usagées à l'intérieur...mais visiblement, mère-grand sais de quoi elle parle! J'ai commencé par ressortir mes connaissances du club théâtre du collège; actuellement, le resto doit se passer de plongeuse parce "vous comprenez, khoff, khoff, j'ai une grosse gastrohentérite qui me cloue au lit...oui, je sais, la gastro ne se manifeste pas par la toux, vous me prenez pour une idiote, snif? C'est juste que euuuh, j'ai un rhume en plus. Oui, je suis Lalita Itsagal, bien sûr vous ne retenez pas cette semaine sur mes jours de congés, et là je vais raccrocher parce que mon médecin vient justement de terminer sa sieste et réclame à manger. Au revoir, khoff, khoff." Une fois le problème du boulot réglé, j'ai voulu sortir un Florence Peinard, "J'élève mon mioche", et évidemment, Inkgirl, cette empêcheuse de tourner en rond, me l'a arraché des mains et m'a signifié d'un ton sévère qu'il était temps de passer à la pratique. Etape n°1: faire boire les lucioles pilées à Aphrodite. Le résultat était assez...lumineux! *Chers amis humains aimés, ne reproduisez pas cela chez vous, et pitié, si vous vous rendez compte que vous pouvez vous servir de votre bébé comme plafonnier...posez-vous de questions.*